Une prophétie... Toute cette sombre histoire débute par une prophétie... Par cet homme se faisant nommer "L'Oracle" qui, le soir de la cérémonie d'introduction au Conseil des Sadeurs, vint murmurer sa prédiction à mon oreille.
Tant meneur que bras droits, leur rôle débutera
Le vieil homme en émoi s'en remet à la Brume
Le traître enfin se révèle et ainsi s'assume
Quant au grand général, il mourra au combat
Connaissant l'homme, j'avais conscience qu'une telle révélation n'était guère de l'ordre du service. Mosath, mon bras droit, le premier concerné par cette nouvelle, devait mourir. Et qu'on ne doute pas des paroles de l'Oracle, car la moindre de ses paroles, la plus petite bribe de prédiction s'est toujours réalisée dans l'an jusqu'à présent. Cet homme s'amuse à révéler les destins funestes et observer les réactions des mortels en proie au désespoir, à la panique, à l'effroi...
Ainsi commença la paranoïa, et lorsque je remarquai une troupe d'aventuriers aux airs suspects approcher du Royaume, je ne pus m'empêcher d'envoyer Yujow, notre espion de métier, à la recherche d'informations.
La capture de ce "bandit" fut le premier pas vers la déroute. Nous l'interrogeâmes longuement sur ces intentions sans qu'il ne trahisse ses intentions. Pourtant, au fond de moi, j'étais persuadé que nous tenions un ennemi de la Brume entre nos griffes.
Nous apprîmes tout de même qu'une flotte avec à son bord des hommes aux costumes similaires à notre prisonnier et en provenance de l'île des wabbits avait accosté au port de Madrestam.
J'envoyai alors Mosath et le Dechronologue enquêter sur l'île.
Le résultat fut à la fois maigre et important. D'après les renseignements récoltés, les hommes semblaient furieux de la capture d'un des leurs. Mais au fil de leur périple, mes fidèles serviteurs tombèrent nez à nez avec l'oracle, qui décida d'ajouter du piment à son jeu, révélant de fait la prophétie aux deux hommes.
Ainsi Mosath eut conscience de sa fin proche, et sembla perdre confiance en ma propre personne. Tout resta pourtant tranquille jusqu'à ce jour du 15 Flovor.
Alors que nous organisions une soirée d'offrandes en l'honneur de Shariva, la déesse du Tumulte nous avait réservé une nouvelle surprise.
Inquiet du retard de Lokri qui s'était à peine écarté de nous en quête de boisson, j'envoyai Mosath à sa recherche dans la manoir. Mais lui-même commençait à tarder, et la prophétie ne tarda pas à résonner de nouveau dans mon esprit. J'interrompis donc la cérémonie pour partir à la recherche du général.
Nous le retrouvîmes dans le grenier, en compagnie de Lokri, assommé par une personne bien familière.
Miryade, ma première femme, que la Brume elle-même avait déclaré comme disparue pour toujours, semblait se tenir devant moi, la lame pointée vers le cou de Lokri, me prononçant un discours des plus désagréables.
Elle me reprocha de l'avoir remplacée par une autre, rapidement après sa disparition.
Elle me reprocha d'avoir enlevé cet homme sans savoir qui il était vraiment.
Elle me reprocha cette appartenance au Conseil : j'avais selon elle désormais, une importance que je ne souhaitais perdre, quitte à mettre tous les moyens en oeuvre pour la conserver.
Je ne pourrais évidemment qu'exprimer mon désaccord sur ces propos, et pourtant, j'eus l'impression que l'audience présente commença à douter de mes intentions.
Miryade affirmait connaître le captif que nous détenions, et proposa un marché des plus ignobles : Lokri contre notre prisonnier. Elle nous laissa alors une semaine avant de disparaître, comme par enchantement.
J'ignore encore qu'aujourd'hui ce qui la pousse à agir ainsi. Est-ce une histoire de jalousie ? Suis-je réellement devenu l’assoiffé de pouvoir qu'elle prétend ?
Et je réalise aujourd'hui que j'ai moi-même entraîné cela, mis la vie de Lokri en danger et peut-être celles de bien d'autres hommes et femmes. En souhaitant empêcher la réalisation de la prophétie, je l'avais déclenchée.
Et l'Oracle avait gagné.
Et comme Shariva aujourd'hui, l'Oracle rit.