...Au bout du Monde des Douze... 21 Juinssidor 644...
Soleil rougeoyant qui s’apprête à m'achever.
<< C'est sans taboo & boutades que bous seras.. aaaatchaa ! >>
Forte exclamation sonore dans cette bicoque éloignée de Frigost. Devant son miroir, Yarelle se lamentait de son triste sort, de ses formes informes, et de cette neige qui n'en finissait jamais de tomber. Comment avait-elle pu passé cette dernière année loin de toute beauté civile...
<< Je devrais être entrain d'admirer ces laves volcaniques de ma sombre cité et voilà qu'Oto décide qu'il faut surveiller la forêt enneigée, gnia gnia et pia pia pia ! J'ai vraiment une chance folle, pour une première mission... Un an, cela ne parait pas long... Mais si un Iop se retrouvait à élever des bouftouts ou bien même un Enutrof quémandant pour sa survie... >>
Même la Yarelle du miroir semblait être en décalage avec son originale, et de plus, elle lui renvoyait une pâle image de son état actuel. Trop peu de sang avait touché ses lames, pas la moindre activité suspecte d'un Ange... Seulement la bouilloire crachant sa vapeur. L'air était si sec que la micro pièce ou se logeait la disciple Sacrieur devenait alors un véritable aquarium de fumée. Et c'est dans cette invraisemblable atmosphère que le phénomène se révéla.
Yarelle songea aux légendes qu'on lui avait conté dans la taverne, à l'ouest et à plusieurs centaines de pins, que si l'on ajoutait de son propre sang dans de l'eau en ébullition, on réveillerait ainsi une entité de brume qui nous guiderais vers notre destin. La vérité, c'était surtout que l'idiot qui commettait l'acte se vidait de son sang et était sujet à des hallucinations.
Folie pour folie, elle s'empara d'une dague attaché à sa lanière et commença le rituel. En tant que qu'être bénie de Sacrieur, c'était plutôt un jeu pour passé le temps. Le pourpre coula dans les bulles d'eau, se mélangea à l'infusion de thé. L'odeur fut immédiatement perceptible, la texture aurait pu être confondu avec un vin chaud et le mélange servi dans les fioles à boisson. De quoi réveiller les morts... ou alors réanimé les ombres...
Une masse gazeuse ne tarda pas à prendre une silhouette plus ou moins humaine, comme celle d'un craqueleur, teinté du rouge sang. Un visage se formait net. Yarelle n'en revenait pas. Elle se compressa le bras avec un torchon sale, et patienta plusieurs secondes, tenta même de souffler comme pour faire disparaitre le mirage. Une fois entièrement formée, l'être, qui ressemblait maintenant à un élémentaire d'air tendit un doigt vers son invocateur.
<< Les brumes répondent présent, jeune fille au cœur glacée. Arrête donc de souffler, tu me dissous ! Et si je suis là c'est que tu t'es perdu en chemin. D'ailleurs tu as atterri bien loin de chez toi. Et je sais où il ne fallait pas tourner... je sais quelle voie il fallait emprunter... >>
Lune ronde et pleine qui semble m'observer.
Yarelle ouvrit les yeux, grelota et ce froid... ce froid... La petite lucarne était entièrement ouverte, les courant d'air glacés paraissaient s'attirer vers la moindre chaleur que dégageait les braises déjà presque éteintes. Plus personne, plus de "petit nuage rouge bienveillant", seulement elle, et l'astre de nuit qui répandait sa lumière blanche à travers l'ouverture qu'elle s'empressa de fermer.
<< Par le sang de Sacrieur ! Quel vacarme infernal... Quel horrible mal de tête... Quel... >>
Elle s’arrêta dans ses complaintes quand elle découvrit, sur sa table, un antique recueil encore humide et chaud intitulé "Le Royaume de la Brume". Outre la chronologie, l’œuvre comportait plusieurs chapitres intéressant sur une guilde, encore actuelle car mis à jour récemment, qui respecteraient ces traditions d'antan. Un hériter de la Brume nommé Wahn qui par conséquent ferait perdurer son héritage. Un empire fondée sur de tristes valeurs. Trahison, Affliction. Mais avec quelle détermination !
Les génies ne sortent pas d'une lampe qu'on aurait voulu faire briller. Il faut leur offrir une partie de soi pour que seulement, et seulement dans ce cas là, les divins nous accordent audience.
Soleil levant qui désire me brûler
Son sac était bouclé. Le livre enveloppé dans son plus précieux tissu. L'adresse noté. Yarelle était bien décider à quitter son poste pour partir à la rencontre d'une toute autre destinée. Gonny, sa dragodinde, tout aussi pressé qu'elle de filé à l'horizon. En une demi journée, elle était sur le bateau qui l'emmenait vers l'Antre du Royaume. Elle prépara son parchemin qui sera l'unique chance de trouver sa place dans ce Monde.
Mes Salutations, Héritier et Gardiens de la Brume. Je m'en vais, en ce jour unique, vous expliquez les raisons de ma venue. Mais tout d'abord, permettez moi de me présenter pour que vous soyez plus à même de juger ma valeur. Je répond au seul et unique nom de Yarelle, née sous le signe de Sacrieur. Si je ne suis qu'une Néophyte aux yeux de Brakmar, une guerrière encore novice de 108 cercles, j'ai développé un intérêt certain dans la concoction de potions même si je ne puis encore me qualifier de maître dans ce domaine.
Je m'adresse à vous après avoir été témoin de ma réincarnation par la Brume. C'est en pratiquant un rituel mythique, certes dans un moment d'égarement, que j'ai réussi à invoquer surement l'un de vos élémentaires asservies qui m'a guidé vers vous. Bien que je sais que ne n'ai pas encore votre bénédiction, je suis maintenant sûre d'une chose. C'est avec les yeux embrumés de votre magie que je renaîtrais tel un phénix.
Je suis consciente que je n'ai accomplis pour le moment aucun exploit qui mériterait sa place dans les bouches des commères mais c'est en me pliant à vos volontés, en contribuant à ce royaume de s'étendre et de subsister que je ne pourrais plus jamais que vivre. Non pas pour ma richesse, ni même pour ma gloire, mais pour accroître la Brume sur ce Monde, comme la goutte d'eau qui remplit le vase.
A partir de ce moment, et à jamais, Moi, Yarelle jure allégeance au Monarque de la Brume et à son Royaume.
Que la Brume m'emporte si je faillis à cette tâche.
Le bateau accosta prêt de terres en friches. Les nuages lourds commençaient à se réunir. La brume s'installa, ne laissant qu'une maigre fente vers une porte en bois. La porte tourna.
Le froid de Frigost avait désormais laissé sa place à une atmosphère encore plus sinistre, et qui devinez quoi ? Lui donnait la chair de poule... Le parchemin se glissa parfaitement dans l'urne, disposé au milieu d'une salle fraîche.
La Brume allait désormais juger.