Accoudé au comptoir de la taverne d'Astrub, Ataris sirotait une bière de plus, offerte par le tavernier. Tout le monde le connaissait, le voyait, mais personne ne le regardait. Il était devenu un meuble en ce lieu qu'il fréquentait depuis plus de trois ans maintenant. Parfois, de jeunes aventuriers passant par là venaient lui parler, mais c'était souvent pour rire de lui. Rire de sa façon de raconter comme il avait botté les fesses du Dark Vlad, qu'il avait traversé la ruche du glourceleste, qu'il se déplaçait en ski à Frigost... Entre mythomanie, folie, et alcoolémie, il ne restait de lui qu'un tas de bandelettes imbibées d'alcool.

Seul Metag Robill connaissait la véritable histoire du vieux xelor. Il l'avait vu revenir de sa quête comme personne. A son âge d'or, il enchainait les donjons comme il respirait. Metag n'avait pas le temps de donner la clef d'un donjon, qu'Ataris était déjà revenu, son trousseau de clef à la main, un reste du gardien du donjon de l'autre. D'un bouclier gravé d'une clef de sol, rien ne résistait à lui. A lui, et sa bande: Will-Smith, Sirona, Diessel, Nooway... Tant de noms aujourd'hui oubliés de tous, mais pas de lui.

Voilà maintenant 3 ans qu'Ataris n'avait pas utilisé de sorts. Son horloge était rouillée, son cadran était fissuré, le monde avançait, lui reculait. Il voyait souvent au fond de son verre le jour où Iris-Archi, sa compagne sacrieur, avait disparu, dans les hautes montagnes de Frigost. Elle avait cette nuit là choisi d'utiliser son sort de sacrifice pour réchauffer son homme et son nouveau-né. Elle disparu à tout jamais, emportant avec elle la joie de vivre d'Ataris, et un amour incommensurable pour son enfant.



La suite du récit n'est pas des plus glorieux... Sombrant de jours en jours dans la déprime, Ataris, xelor déboussolé, commençait à perdre les combats qu'il engageait. Ses coups n'étaient plus incisifs, sa mobilité réduite, sa vision amoindrie. Il n'était plus capable d'assurer la survie de son enfant, ni même la sienne. Sur le déclin, dans un dernier effort de lucidité, son choix fut de léguer l'enfant à une famille de Steamers, et de s'exiler dans son village natale, Astrub.

Ces années de silence des parents d'Ataris-Archi l'avait amené à se questionner sur ses parents biologiques. Son père ne lui avait laissé qu'un morceau de papier plié en quatre, sur lequel était griffonné quelques phrases, sans réel sens. Il était indiqué d'une astérisque que ces phrases devaient être prononcées le jour où la brume viendra le chercher.
Bien sûr, il avait essayer de les lire dans des thermes, où la vapeur d'eau limite la visibilité, ou encore sous la tempête de neige de l'hiver dernier... sans résultats.

La notion de brume prenait tout son sens, aujourd'hui, alors qu'il était parti couper du bois pour se faire quelques kamas, dans la forêt des pins perdus.
Il ne voyait pas même le bout de ses bras quand il les tendais. La brume était venu le chercher...
Tremblant, il déplia le morceau de papier, se racla la voix, puis lu de sa frêle voix, ces quelques mots que lui avait laissé son père: